jeudi 3 mai 2007

La concessione del telefono

Un projet du collectif Kati Bur mis en espace par Olivier Maltinti d’après le roman d’Andrea Camilleri
« Choisir un texte au théâtre, c’est comme quand on tombe amoureux, le coup de foudre ça n’existe pas, au début ce qui nous touche ce sont des petits détails, des petites nuances […] et après un jour sur le plateau, comme en amour, on entre dans la matière alors c’est du corps, du corps et encore du corps » avoue Olivier Maltinti. Ainsi, ce texte d’Andrea Camilleri, Olivier en est tombé amoureux et a voulu, dans une lecture mise en espace, nous en livrer les nuances pour faire corps avec lui. Un véritable défi où trouver la juste mesure entre la lecture du texte écrit et le jeu scénique est primordial pour que le public soit captivé.
L’histoire se déroule entre juin 1891 et août 1892 à Vigàta, ville imaginaire de Sicile. Le négociant en bois, Filippo Genuardi surnommé Pippo, souhaite obtenir une ligne de téléphone à usage privée. Pour ce faire, il écrira à trois reprises une lettre au préfet, paranoïaque et susceptible, afin de lui demander les instructions pour effectuer cette installation. Changeant malencontreusement un « m » en « p » dans le nom de celui-ci, Pippo se verra alors suspecté d’être un dangereux agitateur. Entre passage en prison, quiproquos divers et intrigues invraisemblables, la mafia viendra peu à peu, par l’ombre du mystérieux Don Lolo, se mêler à cette histoire aussi curieuse que loufoque. Un univers où règne la dépravation et l’immoralisme. Un système où les fonctionnaires loyaux sont récompensés en étant rétrogradés et où les corrompus gravissent les échelons d'une carrière.
Un spectacle fidèle au texte d’Andrea Camilleri, sicilien natif de Porto Empedoche, qui, à 82 ans passés, est un des auteurs les plus populaires en Italie. Grand maestro du roman policier il sait aussi, comme il le prouve dans La concession del telefono, traiter des thématiques comme les abus du pouvoir, la vénalité des individus, l’absurdité de certains principes religieux ou encore l’immoralité de la mafia. Une mise en scène où telle la plume du romancier, les comédiens alternent entre retranscription de la forme épistolaire et scènes dialoguées. Un texte plaisant où se croisent une écriture subtile et un dialecte cru et populaire. Une lecture mise en espace qui aurait pu être aussi grandiose que les plus grandes tragédies classiques, à quelques détails près…
Mettre en scène un texte aussi riche n’est pas chose aisée et des coupures, parfois franches, s’imposent. Olivier Maltinti a eu le parti pris de conserver, non pas tout le texte, mais une grande partie de celui-ci…Amenant le spectacle à plus de deux heures et demie, contrairement à l’heure trente annoncée ! Le spectateur, surpris, s’impatientant alors et regardant frénétiquement sa montre au grand dam de ce qui se joue sur le plateau. Et quel jeu…Les trois comédiennes, souriantes et motivées, semblent pourtant trop peu concentrées, à tel point qu’à moment donné l’une d’entre elles a dû montrer à sa camarade de scène à quelle ligne se trouvait son texte. Par des bafouillages trop répétitifs et des hésitations récurrentes, le public a vite perdu le fil de ce téléphone…Fil déjà difficile à suivre par la multitude des personnages aux noms alambiqués. On comprend difficilement qui est qui et qui fait quoi. L’usage, parfois inopiné et inapproprié de la musique, contribue à aggraver une compréhension du texte déjà aventureuse. « Je ne comprend rien, je ne comprend rien… » ai-je entendu à plusieurs reprises dans l’assistance.
En bref, un constat doux amer au sortir de cette représentation d’un conte réputé trivial, insolent, savoureux et surtout jamais ennuyeux. Une scénographie contemporaine et audacieuse faite de voilages qui, bien qu’esthétiquement agréables, n’ont en rien un rapport avec l’œuvre. Une mise en scène quelque peu rigide et prévisible, qui ne laisse que trop peu de place à l’effet de surprise. Saluons tout de même la tentative audacieuse d’Olivier Maltinti qui s’est attaqué à un genre littéraire relativement ardu, et accueillons également avec respect cette adaptation pour ce qu’elle a de contemporain, d’original et d’impliquée. Car impliqué et amoureux de l’oeuvre, Olivier l’est…Espérons pour les prochaines représentations qu’il saura nous offrir un corps à corps aux accords plus harmonieux où le texte sera écourté, la musique atténuée et le jeu de comédien moins hasardeux…pour que le téléphone ne soit pas, à l’inverse de ce soir, raccroché trop tôt !

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