lundi 26 novembre 2007

« Exilio, ou garder en soi ce que l’on nous a retiré »

Le Théâtre Gyptis accueillait mercredi 21 novembre la deuxième représentation d’Exilio, écrit et mis en scène par Sara Sonthonnax de la Compagnie Théâtre et Mémoires. Exilio, c’est une création inspirée des lettres trouvées par l’historien Jean-Jacques Jordi aux Archives départementales. Des courriers adressés en 1939 par ces républicains réfugiés dans les bateaux hôpitaux marseillais après avoir fui Franco. Des écrits qui n’ont jamais trouvé voix. Sara a souhaité leur rendre…

Sur les routes de l’exil

Miguel et Pablo ne se connaissent pas mais fuient tout deux le régime dictatorial franquiste. Les routes de l’exil les feront se rencontrer et partager leurs peines, leur désarroi et leurs doutes. Comme un échange de pensées, un partage de destinées en face à face ou séparés par des destins épars, Exilio procède à un devoir de mémoire tout en soulevant de véritables questions ontologiques. « Fuir l’Espagne, n’est-ce pas la perdre ? » ; « Quelque chose vaut-il plus que la vie ? ». Mais la liberté est aussi la vie…La perdre ne revient-il pas à renoncer d’être vivant ? Autant de questions auxquelles la réalité de la guerre civile n’offre pas de réponse. Seules les déchirures sont là, omniprésentes. Déchirure d’une fuite forcée, déchirure des familles qui se scindent pour parfois ne jamais se retrouver, déchirure de ces deux êtres que la route séparera. L’un, Miguel, choisit de rejoindre le Mexique; l’autre, Pablo, s’engage dans la résistance française contre l’occupant nazi. Malgré la distance, les deux hommes s’expriment d’une seule et même voix. Celle de la souffrance, de l’abandon et de l’injustice. Dans leur périple, ils évoquent les mots et les maux d’un peuple, de tous ceux qui sont déchirés entre l’envie de vivre et la volonté de ne pas partir, de ne pas abandonner pour ne pas se laisser vaincre. Ces deux êtres en perdition témoignent de cette déchirure intérieure, la plus insupportable, certainement. Leurs sentiments et ressentiments sont rejoints par le chant d’Emilie Lesbros dont la voix et l’ombre déambulent par intermittence sur scène. Telle une apparition fantomatique, son chant improvisé est doux, profond, fragile et douloureux - à propos, quoi qu’il en soit. Comme un chant de l’exil qui vient rythmer l’échange discursif, il stigmatise les souffrances comme l’image redondante du train de la mort dans Amen, le célèbre drame historique de Costa Gavras. Pour autant, le pathos ne prend jamais le pas sur le témoignage…

Un texte sensible et pudique

La mise en scène est sobre et le plateau dénudé. Les deux acteurs évoluent de déambulations avant en mouvements arrière selon que les chemins les unissent ou les divisent. La lumière, elle, suit les codes conventionnels : rouge pour le sang, bleue pour la mer. Une mise en scène quelque peu limitée, simpliste pourrait-on dire…Mais comment faire autrement ? Sara Sonthonnax affronte ici un exercice difficile. Celui de mettre en scène un sujet ardu, douloureux, qui rouvre pour certains d’anciennes douleurs. Mais aussi, celui de porter aux vues l’adaptation théâtrale d’écrits initiaux, leur rendre voix sans dénaturer la réalité - sans l’occulter ni la farder. Une mise en espace plus construite, plus concrètement élaborée n’aurait-elle pas été risible ? Plongeon dans l’emphase et la grandiloquence, ou bien altération du message ; elle serait certainement venue gâcher le texte. Nous saluerons l’audace de la metteuse en scène et la beauté de son texte ; limpide, sensible, pudique et juste – à la lisière de la poésie parfois. Un de ces textes qui font entrevoir des images, celle des barbelés des camps d’Argelès dans les Pyrénées-Orientales ou celle de la tramontane, ce coriace vent catalan venant fouetter les visages des malheureux – « même le vent est fasciste ! » disaient ironiquement certains -. Car s’il ne se joue pas de faux-semblant, Exilio ne manque pas d’humour. « Si seulement la pluie pouvait pleurer à chaudes larmes », « Au moins le menuisier a du travail »…Autant de marques d’esprit qui brisent dans l’instant toute immersion dans le pathos. Quant au jeu, Alfonso Rodriguez Gelos et Vincent Saint-Loubert Bié, offrent une interprétation délicate, soutenue et musicale, à l’orée d’un parlé slamé pour le second. Un spectacle qui vaut amplement le fait d’être vu pour sa justesse, sa pertinence et son témoignage d’une époque trop méconnue. Une revanche judicieuse et touchante pour Sara dont la famille avait plutôt versé du côté des assaillants. « On ne choisit pas d’où l’on vient, mais on choisit où l’on veut aller… » dit-elle, et on ne saura que l’en féliciter !

dimanche 25 novembre 2007

Enchanter la danse pour qu’exulte la liberté

Dans la soirée du 23 novembre, Merlin Nyakam – créateur de la compagnie La Calebasse et célèbre danseur et chorégraphe africain - est venu présenter sa dernière création sur les planches marseillaises du Théâtre Toursky. Cette même scène où il a débuté sa carrière en France il y a maintenant plus de dix ans. Ce dernier opus, intitulé Liberté d’expression, nous ramène par les impulsions du corps et les rythmes afros au souffle de vie originel qui court en nous. Un spectacle aux antipodes des extravagances et des perditions d’une société bien trop axée sur l’image et l’apparence…

Merlin, l’enchanteur des corps

Tout commence au son des battements du cœur d’un fœtus projeté sur le blanc immaculé de la robe portée par un danseur. Le rythme du cœur pour celui de la vie…Endiablé et festif selon Merlin. Les percussions africaines s’animent, les corps des huit danseurs s’agitent dans une intrépide chorégraphie colorée ; et c’est la vie qui envahit l’espace scénique…Farandole de couleurs éclatantes, tourbillon de danseurs aux corps sculpturaux ; et la chair se mue en un contour unique pour ne former qu’un : l’humain. Accompagné de sa baguette magique, Merlin Nyakam ne pouvait rêver prénom plus justement destiné. Merlin - cet enchanteur des corps, ce chorégraphe magicien – exalte par la danse la diversité de l’être en le rassemblant autour de son unicité, de son intrinsèque similitude. Avec lui, la danse devient art total pour une pleine liberté d’expression. Elle extirpe au théâtre ses modes d’expression, au chant et à la musique leur valeur émotionnelle et aux arts plastiques leur profondeur sensorielle. Liberté d’expression joue sur tous les canaux et devient une mosaïque de sens, de couleurs, de formes mouvantes où le rideau de fond de scène se plait à décupler ces corps devenus ombres chinoises. La valeur esthétique de l’ensemble est fondamentale et vient se mêler au talent incontestable des danseurs de la troupe. Merlin Nyakam dirige ses artistes d’une main de maître, avec une poigne, un charisme qui semble joint à un gant de velours. Le sourire toujours franc et le rapport au public aisé, il charme et attendrit. Avec tout son talent, la danse donne à réfléchir sans céder du déjà pensé, en toute subtilité.

Quand la danse exalte la liberté

Avec Merlin Nyakam, elle devient aussi l’emblème de l’expression enfin libérée. Sous un trait de légèreté, les thèmes sont essentiels : la religion, l’image de soi, le rapport à cet autre – si différent mais si semblable – et l’amour. L’amour qui réunit finalement ces cinq personnages qui se déchiraient jusqu’alors – un lama tibétain, une religieuse, un homme de la rue au look de rappeur, un homme en costume et borsalino, et un autre en toge noire. Liberté d’expression est une piqure de rappel pour témoigner des barrières formées par les divergences religieuses. Le reflet de soi, le lien social, l’égocentrisme sont symbolisés, eux, par les danseurs valsant devant leur miroir, pour se rejoindre finalement. « Vous vous croyez seul ? Vous ne l’êtes pas. Vous n’êtes jamais seul » entend-t-on en voix off. La danse réunit ici les corps, les âmes pour partager et unir dans la joie. Pas de pathos, pas d’emphase, seulement un message en guise d’avertissement, un appel où l’humour n’est d’ailleurs pas de reste…Liberté d’expression offre tantôt de franches rigolades et se conjugue, parfois, à l’ironie pour décrier la distension des liens par nos modes modernes de communication – raillant d’ailleurs autour de l’objet « téléphone portable » -. Il accuse notre société d’accroître l’individualisme et de cultiver la différence sans pour autant l’accepter. Le spectacle, lui, l’exalte en l’admettant ; offrant une place primale à la liberté. Liberté d’expression fait valser les préconçus et porte un regard critique, en tendresse et en espoir, sur le monde. Les artistes s’amusent visiblement sur scène, et nous aussi ! Emportés par le flot des messages et de la danse, l’heure de spectacle s’achève bien rapidement ; et le public en redemande, encore... Que le temps se contracte lorsque les instants sont si justifiés, subtils et délicieux!

(crédit photo : Sylvie Martin)

vendredi 9 novembre 2007

Exilio au Théâtre Gyptis

Pour ceux qui ne le savent pas encore, le théâtre Gyptis fête cette année ses 20 ans d’existence aux mains de Françoise Chatôt et Andonis Vouyoucas. Vingt ans de vie dans un quartier de Marseille pourtant difficile, vingt ans durant lesquels le théâtre a su conquérir son public, toujours plus nombreux à venir plébisciter la diversité des spectacles proposés. Et cette saison 2007/2008 porte haut et fort les couleurs de la pluridisciplinarité : théâtre bien évidemment, mais aussi musique et danse viennent enrichir ce florilège artistique. Après avoir ouvert la saison avec L’école des femmes - mis en scène par Jean-Claude Nieto - et reçu une première approbation du public, cette nouvelle année théâtrale continue au Gyptis avec Exilio, écrit et mis en scène par Sara Sonthonnax.

Exilio, c’est un plongeon dans le chaos et la déchirure de la guerre d’Espagne et dans les exils forcés des républicains sous le régime de Franco au travers des lettres adressés par ces réfugiés depuis les bateaux hôpitaux Marseillais. « Ce n’est ni une fresque historique, ni un documentaire » explique Sara Sonthonnax, mais plutôt une pièce où l’évocation domine. Un spectacle à mi-chemin entre la lecture théâtrale et la pièce de théâtre où l’humour et l’émotion contenus dans les mots sont rejoint par une interprétation très musicale du texte. Une œuvre qui veut faire réagir sans donner du déjà pensé, sans tomber dans l’illustration ou le psychologique et sans emphase. Pour la metteur en scène, « le respect des écrits est essentiel et la distance et la pudeur sont indispensables ».
Mais Exilio, c’est avant tout un coup de cœur inopiné pour des lettres entendues par Sara en 2004 lors d’une lecture publique au Cercle des catalans à Marseille. Des lettres plus communes que lyriques, des écrits qui, par leur apparente banalité, témoignent plus justement de ce qu’était le quotidien. C’est un coup de foudre mais aussi une irrépressible envie de témoigner de cette guerre trop rarement évoquée dans le théâtre – une guerre dans laquelle la France n’a pas toujours joué un glorieux rôle. « Donner de la voix par l’acte théâtral » précise si justement l’auteure. Redonner vie à ces voix disparues, faire entendre ce qui est resté enterré dans les entrailles des Archives Départementales jusqu’à ce que l’historien Jean-Jacques Jordi les retrouve en 2000.
A Marseille, où la population catalane et espagnole est importante, ce spectacle sera pour les plus jeunes une découverte et pour les autres une immersion passéiste vers un pan méconnu de l’histoire espagnole et française. Quel que soit l’âge, il sera riche d’enseignement et trouve par le hasard de l’actualité une justification toute méritée - le parlement espagnol venant enfin d’accorder la réhabilitation des tombes des républicains.

Ecrit et mis en scène par Sara Sonthonnax de la Compagnie Théâtre et Mémoires, interprété par Alfonso Rodriguez Gelos et Vincent Saint-Loubert Bié, ce spectacle aura lieu du 20 au 24 novembre 2007 à 20h30 le mardi, vendredi et samedi ; et 19h15 le mercredi et jeudi. Réservation au 04 91 11 00 91. A noter : La représentation du 21 sera suivie d’un débat en compagnie de l’équipe de création et de Benito Pelegrin – Professeur émérite des Universités, écrivain, dramaturge, traducteur et chroniqueur -qui témoignera de cet exil forcé qu’il a vécu enfant.

jeudi 8 novembre 2007

Focus sur la recherche immunologique à Marseille

Eradiquer le paludisme placentaire
Face à la recrudescence actuelle des cas de paludisme, les recherches s’intensifient afin de développer de nouvelles molécules susceptibles de devenir des vaccins. L’accent est mis sur la prévention des formes les plus graves de la maladie. C’est ce dernier point qu’étudie Jürg Gysin, directeur de l’Unité de Recherche Associée (URA) mixte Institut Pasteur / Université de la Méditerranée Aix-Marseille II, et ses collaborateurs depuis 1996.

Une thématique de santé prioritaire

Le paludisme, maladie déjà connue au milieu du siècle dernier, est toujours aussi présent aujourd’hui. « Les mouvements de populations, le manque de moyens, la résistance du vecteur aux insecticides utilisés et les échecs de la lutte anti-vecteur alternative expliquent en partie cette constante » commente Jürg Gysin. En effet, on observe depuis quelques années l'apparition d'une résistance aux insecticides chez les moustiques et une chimio résistance chez le parasite, et la recherche n'a pour l'instant pas su apporter de solutions complètes. En cause ? Un développement coûteux des médicaments pour les laboratoires pharmaceutiques et des populations concernées majoritairement pauvres.
La situation d’endémie s’explique aussi en partie par une trop forte croyance en l’efficacité d’un hypothétique vaccin salvateur mais « un ralentissement voire un arrêt de la recherche pour le développement de nouveaux composants antipaludiques, en considérant que le vaccin allait apporter la solution a contribué à la persistance du parasite, car finalement la solution est plus compliquée que prévue» concède le scientifique. Le paludisme est ainsi devenu une des priorités de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Suivant ses recommandations, l’Institut Pasteur et d’autres laboratoires déploient dans plusieurs pays de nombreuses équipes de scientifiques se consacrant aux différents axes de recherche.

Le paludisme de la femme enceinte

Jürg Gysin est l’un d’entre eux. Avec son équipe, il focalise ses études sur le paludisme placentaire. Mais qu’est-ce que le paludisme ? Maladie infectieuse provoquée par un parasite – le Plasmodium – il est transmis par la piqûre d’un moustique femelle. Il y a quatre espèces dont le Plasmodium falciparum est le plus pathogène. A l’origine d’une véritable épizootie dans les zones tropicales, le laboratoire Marseillais concentre ses recherches sur cette dernière espèce.
La femme enceinte et son fœtus y sont particulièrement vulnérables. En cas d’infection, elle développe une forte anémie et une faiblesse généralisée qui entraînent un retard de croissance du fœtus qui peut compromettre à terme sa survie et celle de sa mère. Tous les efforts de l’équipe, associée à d’autres dans le monde, se focalisent sur l’élaboration d’un vaccin qui protégerait la femme enceinte et le fœtus d’une contamination. Les recherches ont pour l’instant abouti à l’identification des protéines qui permettent au parasite de s’installer dans le placenta et l’on sait que le développement d’anticorps contre cette protéine empêcherait cette installation. Une récente étude porte également sur un antigène parasitaire, le RSP2, impliqué dans le développement de l’anémie chez tout individu impaludé. Un espoir d’enrayer la pandémie se joue à Marseille où les derniers résultats de cet antigène permettent d’envisager des solutions thérapeutiques possibles.

Des candidats vaccins testés sur un primate

« Nous étions le seul groupe avec le CDC aux Etats-Unis à pratiquer cette approche à grande échelle et ce modèle a été utile à bien des égards pour l’étude de la fonctionnalité protectrice d’anticorps » précise l’expert à propos du singe Saimiri ayant servi aux tests. Mais malgré cette voie de recherche innovante « l’éradication du paludisme n’est pas aisé avec les problèmes de la chimiorésistance, l’appauvrissement des populations exposées, les déplacements massifs de population et la malnutrition» ajoute Mr. Gysin. De plus, le parasite mute et les réponses immunitaires protectrices doivent constamment se réadapter, mais Jürg Gysin envisage actuellement une solution possible. Pour autant, mettre au point un vaccin stable à un coût raisonnable n’est pas chose facile et « si on arrivait demain à produire un vaccin ou une immunothérapie, il faudrait sans doute encore du temps avant que cela ne devienne profitable à tous ceux qui en ont besoin ». Les recherches continuent pour enrayer les méfaits du paludisme à Plasmodium falciparum
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Jürg Gysin : directeur de l’unité de parasitologie expérimentale marseillaise

Après avoir exercé au sein de divers laboratoires d’immunologie parasitaire, en Guadeloupe, à Cayenne, New York et Lyon, Jürg Gysin - arrivé à Marseille sous l’impulsion de la Mission de la Recherche et de la Technologie (MRT) – poursuit ses recherches sur le paludisme. Accueillant des post doctorants, étudiants en DEA, Master ou thèse ; il a pu créer quelques contrats à durée déterminée. Egalement soutenue par la communauté Européenne, l’European Malaria Vaccine Initiative (EMVI), l’Agence Nationale de la recherche (ANR) et quelques groupes américains, l’unité de parasitologie expérimentale marseillaise se révèle être un des acteurs majeurs de la recherche antipaludique dans le monde.


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Le paludisme tue davantage que le sida

Chaque année, deux milliards d'individus sont exposés au paludisme qui provoque 200 à 500 millions de cas cliniques. Selon les estimations de l’OMS, cet agent pathogène entraîne la mort de 1 à 3 millions de personnes par an, soit un enfant toutes les trente secondes en Afrique. La situation semble plus grave encore qu’il y a cinquante ans, lorsque l’OMS pensait éradiquer ce fléau. Les différents laboratoires de recherche continuent leurs investigations sans pouvoir assurer, pour le moment, la naissance prochaine d’un vaccin. A l’heure actuelle, le paludisme cause davantage de décès que le sida.




dimanche 4 novembre 2007

Le Mexique a fêté les morts à Marseille

Du 1er au 8 novembre et pour la troisième année consécutive, Marseille a mis le Mexique à l'honneur à l'occasion de la fête des morts. Car à la différence de la France, la période de Toussaint est une joyeuse fête au Mexique. Ce festival, initié par l'acfm (association des cultures Franco-Mexicaines); parrainé par M. Andrès Henestrosa -grand écrivain mexicain âgé de presque 101 ans - soutenu par M. Carlos De Icaza et représenté par Yvan Romero - consul honoraire du Mexique à Marseille - s'annonce être une manifestation riche en partage et création où un point d'honneur est donné à l'interactivité. Invitation directe au voyage pour un véritable plongeon dans les traditions séculaires de la culture mexicaine...

La Toussaint Mexicaine ou comment fêter la mort

"La mort n'est pas triste chez nous" précise Ramon Solano, irrésistible mime mexicain. Le ton est donné...Cette période du début d'automne qui, chez nous en France, respire la tristesse et où le poids de la tradition nous pousse -nous impose presque - à revenir fleurir les tombes et à pleurer à nouveau nos défunts, est une fête au Mexique. Cette fête des morts puise son essence au coeur de la légende de l'humanité. Cette légende qui serait née des ossements des ancêtres mexicains mêlés au sang de Quetzalcoatl - la plus haute divinité aztèque - renfermerait les clefs de la philosophie mexicaine précolombienne qui ne dissocie pas la vie de la mort. La mort est une continuité logique, une sorte de seconde phase de vie qu'il ne faut donc pas pleurer. Depuis ce temps, lorsque l'heure de la Toussaint retentit, on vient faire des offrandes et chanter près des tombes pour fêter les morts. Cette cérémonie s'étendait naguère sur presque un mois offrant d'abord une fête aux enfants disparus - c'est le Miccaihuitontli - les adultes défunts, eux, étaient fêtés quelques vingt jours plus tard - lors du Hueymiccalhuitl. Avec les siècles et les successives conquêtes, ce mythe a évolué pour se nourrir des traditions indiennes et espagnoles qui ont fait fusionner ces deux fêtes en une unique, la Toussaint.

D'étranges créatures animaient le vieux port

Le parvis de l'hôtel de ville et le quai le jouxtant étaient noirs de monde jeudi et vendredi dernier. Il faut dire qu'il y avait de quoi...De nombreux artistes mexicains s'étaient donné rendez-vous pour l'occasion afin de faire le spectacle. Cirque, danse, théâtre, arts de la rue et musique ont fait la fête aux morts devant un public marseillais comblé. Ramon Solano, l'attendrissant mime mexicain, a rendu l'assemblée hilare en mimant tour à tour les attitudes féminines et masculines, en invitant deux spectateurs à monter sur une moto invisible ou encore en imitant tout simplement les passants. Montserrat Diaz, la statue vivante, véritable oeuvre d'art aussi figée que réelle a quant à elle rendu perplexe les plus jeunes : "Et maman, elle est vivante la statue??" entendait-on dire sur un ton naïf et étonné. Les ateliers de création d'objets typiques mexicains, les différents stands et les projections de films sur un rideau d'eau ont rassemblé tout autant de monde, visiblement satisfaits de célébrer la Toussaint autrement. Après une première phase aussi réussie, la Toussaint mexicaine a clôturé avec entrain ses festivités Marseillaises au Théâtre Toursky le dimanche 4 novembre pour continuer du 6 au 7 à Lyon et le 8 novembre à Carnoux en Provence.














Le Toursky à l’heure Mexicaine

Quinze heures sonnaient et le hall d’entrée du Théâtre Toursky s’ornait de toute la gaieté des décors de la Toussaint mexicaine et de toute une ribambelle de personnes venues découvrir cette autre fête des morts. Autel aux couleurs criardes, Montserrat en statue fantomatique et Ramon déambulant avec son chien en peluche, le Mexique avait envahi l’antre du théâtre par son âme bariolée et sa chaleur humaine. Côté cour et côté jardin, au balcon ou à l’orchestre, la salle de spectacle était généreusement remplie. Le spectacle, composé par les quelques trente artistes mexicains présents, pouvait commencer…C’est le groupe Tribu qui inaugura les réjouissances avec leurs musiques et leurs sons oniriques qui ont entrainé le spectateur vers des sphères éthérées, mystérieuses et envoûtantes. Le texte et le théâtre s’invitait aussi à la fête par une lecture théâtrale et dansante de la légende du Quetzalcoatl sur les sons de Tribu. Après cette première création qui a amplement conquis le public, Ramon fit son entrée sur scène et il ne lui fallu pas plus d’une minute pour rendre l’ensemble de l’auditoire rieur et enchanté. Jouant ses grands classiques et improvisant au gré des opportunités, son intermède humoristique satisfit le plus grand nombre. Les festivités allaient se clore par les pérégrinations extravagantes de la troupe Mascaras entre sombras, qui nous présentait un spectacle inspiré des traditions de la Toussaint mexicaine où les géants – protagonistes de l’histoire - mêlaient coutumes mexicaines et humour désopilant, voire grotesque.
Après plus de deux heures de spectacle, les animations ont continué sur la terrasse du théâtre dans une ambiance carnavalesque et typiquement mexicaine – tacos, tortillas et bière « Corona » garantis – pour le plus grand bonheur des petits et des grands ! Non décidemment, fêter Toussaint au Mexique ne manque pas de piquant !!!