dimanche 25 novembre 2007

Enchanter la danse pour qu’exulte la liberté

Dans la soirée du 23 novembre, Merlin Nyakam – créateur de la compagnie La Calebasse et célèbre danseur et chorégraphe africain - est venu présenter sa dernière création sur les planches marseillaises du Théâtre Toursky. Cette même scène où il a débuté sa carrière en France il y a maintenant plus de dix ans. Ce dernier opus, intitulé Liberté d’expression, nous ramène par les impulsions du corps et les rythmes afros au souffle de vie originel qui court en nous. Un spectacle aux antipodes des extravagances et des perditions d’une société bien trop axée sur l’image et l’apparence…

Merlin, l’enchanteur des corps

Tout commence au son des battements du cœur d’un fœtus projeté sur le blanc immaculé de la robe portée par un danseur. Le rythme du cœur pour celui de la vie…Endiablé et festif selon Merlin. Les percussions africaines s’animent, les corps des huit danseurs s’agitent dans une intrépide chorégraphie colorée ; et c’est la vie qui envahit l’espace scénique…Farandole de couleurs éclatantes, tourbillon de danseurs aux corps sculpturaux ; et la chair se mue en un contour unique pour ne former qu’un : l’humain. Accompagné de sa baguette magique, Merlin Nyakam ne pouvait rêver prénom plus justement destiné. Merlin - cet enchanteur des corps, ce chorégraphe magicien – exalte par la danse la diversité de l’être en le rassemblant autour de son unicité, de son intrinsèque similitude. Avec lui, la danse devient art total pour une pleine liberté d’expression. Elle extirpe au théâtre ses modes d’expression, au chant et à la musique leur valeur émotionnelle et aux arts plastiques leur profondeur sensorielle. Liberté d’expression joue sur tous les canaux et devient une mosaïque de sens, de couleurs, de formes mouvantes où le rideau de fond de scène se plait à décupler ces corps devenus ombres chinoises. La valeur esthétique de l’ensemble est fondamentale et vient se mêler au talent incontestable des danseurs de la troupe. Merlin Nyakam dirige ses artistes d’une main de maître, avec une poigne, un charisme qui semble joint à un gant de velours. Le sourire toujours franc et le rapport au public aisé, il charme et attendrit. Avec tout son talent, la danse donne à réfléchir sans céder du déjà pensé, en toute subtilité.

Quand la danse exalte la liberté

Avec Merlin Nyakam, elle devient aussi l’emblème de l’expression enfin libérée. Sous un trait de légèreté, les thèmes sont essentiels : la religion, l’image de soi, le rapport à cet autre – si différent mais si semblable – et l’amour. L’amour qui réunit finalement ces cinq personnages qui se déchiraient jusqu’alors – un lama tibétain, une religieuse, un homme de la rue au look de rappeur, un homme en costume et borsalino, et un autre en toge noire. Liberté d’expression est une piqure de rappel pour témoigner des barrières formées par les divergences religieuses. Le reflet de soi, le lien social, l’égocentrisme sont symbolisés, eux, par les danseurs valsant devant leur miroir, pour se rejoindre finalement. « Vous vous croyez seul ? Vous ne l’êtes pas. Vous n’êtes jamais seul » entend-t-on en voix off. La danse réunit ici les corps, les âmes pour partager et unir dans la joie. Pas de pathos, pas d’emphase, seulement un message en guise d’avertissement, un appel où l’humour n’est d’ailleurs pas de reste…Liberté d’expression offre tantôt de franches rigolades et se conjugue, parfois, à l’ironie pour décrier la distension des liens par nos modes modernes de communication – raillant d’ailleurs autour de l’objet « téléphone portable » -. Il accuse notre société d’accroître l’individualisme et de cultiver la différence sans pour autant l’accepter. Le spectacle, lui, l’exalte en l’admettant ; offrant une place primale à la liberté. Liberté d’expression fait valser les préconçus et porte un regard critique, en tendresse et en espoir, sur le monde. Les artistes s’amusent visiblement sur scène, et nous aussi ! Emportés par le flot des messages et de la danse, l’heure de spectacle s’achève bien rapidement ; et le public en redemande, encore... Que le temps se contracte lorsque les instants sont si justifiés, subtils et délicieux!

(crédit photo : Sylvie Martin)

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