jeudi 8 novembre 2007

Focus sur la recherche immunologique à Marseille

Eradiquer le paludisme placentaire
Face à la recrudescence actuelle des cas de paludisme, les recherches s’intensifient afin de développer de nouvelles molécules susceptibles de devenir des vaccins. L’accent est mis sur la prévention des formes les plus graves de la maladie. C’est ce dernier point qu’étudie Jürg Gysin, directeur de l’Unité de Recherche Associée (URA) mixte Institut Pasteur / Université de la Méditerranée Aix-Marseille II, et ses collaborateurs depuis 1996.

Une thématique de santé prioritaire

Le paludisme, maladie déjà connue au milieu du siècle dernier, est toujours aussi présent aujourd’hui. « Les mouvements de populations, le manque de moyens, la résistance du vecteur aux insecticides utilisés et les échecs de la lutte anti-vecteur alternative expliquent en partie cette constante » commente Jürg Gysin. En effet, on observe depuis quelques années l'apparition d'une résistance aux insecticides chez les moustiques et une chimio résistance chez le parasite, et la recherche n'a pour l'instant pas su apporter de solutions complètes. En cause ? Un développement coûteux des médicaments pour les laboratoires pharmaceutiques et des populations concernées majoritairement pauvres.
La situation d’endémie s’explique aussi en partie par une trop forte croyance en l’efficacité d’un hypothétique vaccin salvateur mais « un ralentissement voire un arrêt de la recherche pour le développement de nouveaux composants antipaludiques, en considérant que le vaccin allait apporter la solution a contribué à la persistance du parasite, car finalement la solution est plus compliquée que prévue» concède le scientifique. Le paludisme est ainsi devenu une des priorités de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Suivant ses recommandations, l’Institut Pasteur et d’autres laboratoires déploient dans plusieurs pays de nombreuses équipes de scientifiques se consacrant aux différents axes de recherche.

Le paludisme de la femme enceinte

Jürg Gysin est l’un d’entre eux. Avec son équipe, il focalise ses études sur le paludisme placentaire. Mais qu’est-ce que le paludisme ? Maladie infectieuse provoquée par un parasite – le Plasmodium – il est transmis par la piqûre d’un moustique femelle. Il y a quatre espèces dont le Plasmodium falciparum est le plus pathogène. A l’origine d’une véritable épizootie dans les zones tropicales, le laboratoire Marseillais concentre ses recherches sur cette dernière espèce.
La femme enceinte et son fœtus y sont particulièrement vulnérables. En cas d’infection, elle développe une forte anémie et une faiblesse généralisée qui entraînent un retard de croissance du fœtus qui peut compromettre à terme sa survie et celle de sa mère. Tous les efforts de l’équipe, associée à d’autres dans le monde, se focalisent sur l’élaboration d’un vaccin qui protégerait la femme enceinte et le fœtus d’une contamination. Les recherches ont pour l’instant abouti à l’identification des protéines qui permettent au parasite de s’installer dans le placenta et l’on sait que le développement d’anticorps contre cette protéine empêcherait cette installation. Une récente étude porte également sur un antigène parasitaire, le RSP2, impliqué dans le développement de l’anémie chez tout individu impaludé. Un espoir d’enrayer la pandémie se joue à Marseille où les derniers résultats de cet antigène permettent d’envisager des solutions thérapeutiques possibles.

Des candidats vaccins testés sur un primate

« Nous étions le seul groupe avec le CDC aux Etats-Unis à pratiquer cette approche à grande échelle et ce modèle a été utile à bien des égards pour l’étude de la fonctionnalité protectrice d’anticorps » précise l’expert à propos du singe Saimiri ayant servi aux tests. Mais malgré cette voie de recherche innovante « l’éradication du paludisme n’est pas aisé avec les problèmes de la chimiorésistance, l’appauvrissement des populations exposées, les déplacements massifs de population et la malnutrition» ajoute Mr. Gysin. De plus, le parasite mute et les réponses immunitaires protectrices doivent constamment se réadapter, mais Jürg Gysin envisage actuellement une solution possible. Pour autant, mettre au point un vaccin stable à un coût raisonnable n’est pas chose facile et « si on arrivait demain à produire un vaccin ou une immunothérapie, il faudrait sans doute encore du temps avant que cela ne devienne profitable à tous ceux qui en ont besoin ». Les recherches continuent pour enrayer les méfaits du paludisme à Plasmodium falciparum
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Jürg Gysin : directeur de l’unité de parasitologie expérimentale marseillaise

Après avoir exercé au sein de divers laboratoires d’immunologie parasitaire, en Guadeloupe, à Cayenne, New York et Lyon, Jürg Gysin - arrivé à Marseille sous l’impulsion de la Mission de la Recherche et de la Technologie (MRT) – poursuit ses recherches sur le paludisme. Accueillant des post doctorants, étudiants en DEA, Master ou thèse ; il a pu créer quelques contrats à durée déterminée. Egalement soutenue par la communauté Européenne, l’European Malaria Vaccine Initiative (EMVI), l’Agence Nationale de la recherche (ANR) et quelques groupes américains, l’unité de parasitologie expérimentale marseillaise se révèle être un des acteurs majeurs de la recherche antipaludique dans le monde.


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Le paludisme tue davantage que le sida

Chaque année, deux milliards d'individus sont exposés au paludisme qui provoque 200 à 500 millions de cas cliniques. Selon les estimations de l’OMS, cet agent pathogène entraîne la mort de 1 à 3 millions de personnes par an, soit un enfant toutes les trente secondes en Afrique. La situation semble plus grave encore qu’il y a cinquante ans, lorsque l’OMS pensait éradiquer ce fléau. Les différents laboratoires de recherche continuent leurs investigations sans pouvoir assurer, pour le moment, la naissance prochaine d’un vaccin. A l’heure actuelle, le paludisme cause davantage de décès que le sida.




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