dimanche 20 mai 2007

Comment Wang fô fut sauvé

Après avoir rencontré un vif succès lors de ses premières représentations en 2006, Wang fô, vieux peintre Chinois, revient sur les planches du Badaboum pour la plus grande joie des enfants petits et grands. Comment Wang fô fut sauvé, conte initiatique Chinois, est la première nouvelle du recueil intitulé Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar. Passionnée de la culture Grèce et profondément attirée par l’Orient, elle écrira ce récit en 1938 aux côtés d’autres légendes authentiques.
Sur cette scène centrale revêtue d’un tapis parsemé de grains de riz, apparaissent comme par enchantement trois individus. A la fois présents et irréels, ce sont Wang fô, son disciple Ling et la femme de celui-ci. Femme qui mourra peu après, ne supportant pas le choix de son mari de suivre cet artiste qui a su lui faire voir le monde au travers du filtre de l’art. Leur périple nous est conté par des comédiens à la fois protagonistes et conteurs de leur propre histoire. Les deux hommes errent alors sur les routes de l’Empire de Han jusqu’au jour où les gardes de l’empereur, mi-homme mi-dragon, les arrêtent. Ils apprennent alors que celui-ci a grandi avec les toiles de Wang fô, imaginant un monde idyllique et enchanté, bien loin de la réalité de la vie. Trompé toute son enfance par la beauté de ces toiles, l’empereur ne supporte pas la trivialité du monde à sa sortie du château à l’âge de seize ans et se met en tête de mutiler celui qui a fait de lui l’empereur impuissant de ce monde imparfait. Ling tente alors de protéger son maître Wang fô, devenu bourreau bien malgré lui, et engage un coup de poignard en direction du dragon céleste. Un garde intercepte alors son élan meurtrier et décapite Ling. Wang fô en sortira vivant, s’enfuyant sur une mer de jade bleue qu’il a lui-même peinte.
Car « Wang fô a le don de donner vie à ses peintures » nous confie Ling…Et la pièce prend vie sur le sol. Où se passe l’histoire ? Devant nous, avec ces comédiens qui déambulent dans cet espace vierge de décor ou sur le sol où les ombres Chinoises de leur corps s’animent dans le décor projeté sur le tapis ? L’espace scénique tel une peinture devient comme par enchantement un véritable tableau vivant…
Une nouvelle courte dans la durée mais longue d’enseignements. Une pièce où sont présents tous les codes de la philosophie Chinoise : du maître et de son disciple, de la lenteur outrancière jusqu’au personnage fantasmagorique du dragon empereur. Tout est en effet lenteur, dissection du mouvement et du texte, envol et retombée, douceur et violence, stupeur et rire. Le Badaboum nous présente ici un univers poétique, enchanteur et désenchanté, aux confins des Terres Chinoises. Un monde où si l’on ferme les yeux, on se laisse aisément porter par ces doux tintements musicaux pour un voyage imaginaire sur les flans de la muraille de Chine. Une pièce où les règles de la simple réalité se délitent et où la poésie emporte le récit, les personnages et le public. Tel Wang fô qui disparaît dans son étendue bleue, toile peinte devenue voile de bateau, le spectateur est emporté par ce flot de douceur et d’esthétisme. Difficile de distinguer le vrai du « fô » dans cette œuvre où chacun y trouve sa propre réalité et y apporte son propre sens! Wang fô meurt-il à la fin et par là même assistons-nous à une esthétisation de la mort ? Ou bien cela atteste-t-il de la primauté de l’art ? Le mystère reste entier et c’est bien là tout l’intérêt…Un beau travail de mise en scène qui ravira tout esthète par la finesse de la vidéo et le travail sur la lenteur du mouvement…Bien que conseillée pour les enfants de plus de cinq ans, il apparaît néanmoins que la pièce est plus adaptée pour un public plus âgé, afin de saisir les multiples références et la philosophie dissimulée derrière le texte.

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