lundi 9 avril 2007

Nouvel album pour Dawta Jena & Urban Lions

Dawta Jena, artiste d’origine Arménienne de 24 ans, écrivant des textes depuis l’âge de 14 ans s’est lancée très tôt dans l’aventure musicale dans la ville où elle a grandi, à Vitrolles. Chantant Brel, Brassens et Barbara dans les premières parties de sa professeur de chant, elle s’est rapidement éprise pour la scène. Aujourd’hui, femme sensible, touchante, inspirée, citoyenne du monde et révoltée, elle nous offre son message de paix. Dawta Jena & Urban Lions, groupe né en 2002 à Marseille de l’amitié entre Jena, Vince, Fab et Alex, nous livre une musique du monde dans laquelle se mêlent harmonieusement reggae roots, jazz et sonorités orientales. Une fusion des genres où les sentiments et le message occupent la première place. A présent accompagnée de ses huit musiciens, Dawta Jena vient de sortir son second opus intitulé Halleluhjah. A l’occasion de ce nouvel album, j'ai souhaité rencontrer cette artiste engagée qui délivre si délicieusement son souffle de tolérance dont l’humanité a bien besoin…

Muriel Tancrez : Le groupe existe depuis 2002, la musique a-t-elle toujours été une évidence pour toi ?

Dawta Jena : Non, la musique n’a pas toujours été une évidence. Je n’ai pas appris la musique mais j’ai grandi dans la musique. Lorsque j’étais dans le ventre de ma mère, elle me passait du Bob Marley. Ce qui compte pour moi, c’est l’expression. A l’âge de 14 ans, j’étais déjà dans l’observation des injustices, et pour moi la musique était la forme la plus universelle pour faire passer mon message, pour toucher le maximum de personnes.

M.T : Lorsque l’on vous écoute jouer, on se dit : « Ce reggae là est différent de ce que l’on a l’habitude d’entendre ». Comment expliques-tu cette différence ? Et comment définis-tu ton style musical ?

D.J : C’est une musique qui a une âme. C’est la seule ligne conductrice. C’est un message de paix, d’unité et de tolérance. Dans l’histoire de l’humanité tu as énormément de peuples, d’ethnies qui ont déjà une âme…Toutes ces influences là ont, dans l’esprit universel dans lequel je vis, un impact sur ce que je réalise. « Musique du monde » est une expression qui me plaît, car c’est la musique du « Monde ». Je ne peux pas me situer dans un style car je ressens des émotions trop variées. Pour le choix de la dominante reggae, là c’est mon goût personnel qui s’exprime. Ma musique est quelque chose de très intuitif. Ce que j’écris est très intime. On ne peut pas vraiment dire que nous sommes dans une mouvance de groupe. Chaque musicien a sa place et s’épanouit à sa place.

M.T : La présence d’un violon dans une musique à dominante reggae est plutôt rare. D’où est née cette idée ?

D.J : Je cherchais un violoniste car quand j’écris ma musique, j’ai déjà tout dans la tête. Si tu veux j’avais un violon dans ma tête (rire). J’ai donc cherché un musicien et Sitraka m’a répondu. Je n’aurais pas pris non plus n’importe quel violoniste. Sitraka est quelqu’un qui humainement a une richesse énorme. Puis, il est d’origine Malgache, venant d’une famille immigrée, on a donc des ressentis assez proches. Sa rencontre m’a d’autant plus poussée à lancer mon album solo, très acoustique où les textes suivent une respiration et ne sont pas esclaves d’une rythmique. Et j’ai aussi créé une autre formation, avec certains de Urban Lions, pour cet album qui se nomme Brillant échec que l’on enregistre actuellement.

M.T : Quel est le but, le message que toi et le groupe souhaitez faire passer ?

D.J : Je regarde l’histoire dans sa globalité et je me dis qu’il y a une harmonie possible. On peut y arriver, ce n’est pas une utopie, et si c’est une utopie...il faut y arriver. Il faut toujours être très utopique, c’est là qu’il y a les plus beaux trésors. Ma devise c’est : « Ne jamais essayer de rentrer chez soi avec les clés du voisin ». Chaque personne a sa propre clé. En étant soi-même, on peut trouver l’harmonie avec les autres.

M.T : Bon nombre de tes textes reprennent les thématiques des grands génocides, une certaine critique de la société et de l’humanité telle qu’elle se comporte. Que voudrais-tu voir changer dans nos modes de vies et dans la société actuelle ?

D.J : En fait, j’aimerais que tous les jours les individus aient conscience d’être vivants. Qu’ils considèrent l’autre comme l’autre et non pas comme un moyen ou un obstacle. Si les personnes sont heureuses, elles seront heureuses d’être sur Terre et ne continueront pas à la détruire. C’est ça que j’aimerais changer…

M.T : Tu te définis sur ton site comme quelqu’un de « rebelle, nerveuse et toujours heureuse ». Mais qui est exactement Dawta Jena ?

D.J : (rire)…Je suis Jena. Mes parents m’ont appelé Julie à la naissance. C’est le prénom qu’ils m’ont donné sans me connaître. Aujourd’hui, je peux dire moi-même qui je suis et je suis Jena. Je pense que je suis à la fois actrice et observatrice…à la fois blanche, à la fois noire. Je suis toutes les contradictions de ce monde. Je suis à la fois stable et déséquilibrée…et je suis quand même pas mal équilibrée finalement (rire). Je fais partie de ce monde mais je suis aussi un peu dans la lune…et c’est ma seule richesse en même temps. Je suis une femme et à la fois un bébé…Je n’ai pas d’entrave. Je suis libre comme un bébé qui a juste besoin de manger, de boire, de voir sa mère, qui aime s’amuser et qui pleure aussi pour des caprices…ou parce que le monde est trop injuste.

M.T : On observe dans tes textes un attachement profond aux origines Arméniennes transmises par ton père. D’où vient cet attachement si fort ? T’es-tu déjà rendue sur la terre de tes ancêtres ?

D.J : Non, je n’y suis jamais allée. Mais ce sera fort le jour où j’irai. Je ne me sens pas appartenir vraiment à un endroit de la Terre et pourtant il y a quelque chose qui m’attire là bas. Pourquoi j’y suis attachée…j’aime les personnes qui m’ont transmis cette culture, tout simplement. Cette culture qui est faite d’une grande liberté au niveau de la foi et du mysticisme, d’être un peu l’esprit et de faire partie d’un esprit, une certaine légèreté face à la vie et un recul face aux Etres humains.

M.T : Ton nom est Jena Nersessian, mais ton nom de scène est Dawta Jena. Que signifie Dawta ?

D.J : Dawta car je suis très influencée par la culture rasta depuis toute petite. Je voulais le mettre en avant sur mon nom de scène, mais je ne voulais pas m’appeler Sista car ça a une connotation trop religieuse. Dawta c’est la fille, et je me sens la fille de Jah, de l’esprit universel et de mère nature. Et puis c’est un titre qui est peu utilisé contrairement à d’autres. Dawta c’est libre…et ça rime (rire).

M.T : Lorsque l’on s’adresse à toi, tu es calme et parles posément. Une fois sur scène, une énergie incroyable se dégage de toi. Pour reprendre les termes de certains spectateurs « tu as l’air en transe » et tu as une aura époustouflante. D’où te vient cette force ?

D.J : J’ai conscience de ça car on me l’a dit. Pour savoir qui je suis, il faut me voir sur scène… Ceux qui sont impressionnés par moi le sont peut être car, contrairement à certains qui s’enferment dans des carcans par peur d’être jugés, moi je suis juste libre d’être ce que je suis. Alors je ne sais pas si c’est tellement honorable, c’est peut être juste qu’il y a certaines personnes qui aimeraient avoir cette liberté. En tout cas, je ne cherche pas à plaire. Mais c’est vrai qu’en société, je me montre plus « clean » (rire)…Sur scène, il n’y a pas de passé, de présent et de futur…Le temps est suspendu…comme les jardins de Babylone.

M.T : Sur ton site, on peut lire que tu es influencée par Gandhi. En quoi exactement ?

D.J : Je suis née dans une famille athée, je n’ai pas eu d’éducation religieuse. En grandissant, je me suis intéressée à ces rassemblements de gens autour de religions. A l’est, j’ai fini par voir Gandhi, un pacifiste. Quand je parle de paix, je pense à Gandhi. Je pense que l’on a pas mal de choses à apprendre de cet homme. Il a dit cette phrase que j’aime beaucoup : « Si la non-violence est l’avenir de l’humanité, le monde appartient aux femmes ».

M.T : La France et Marseille fêtent pendant un an l’Arménie. Que représente pour toi cet évènement ?

D.J : Mon grand-père n’a pas eu le temps de voir la reconnaissance du génocide. Alors je n’ai pas de rancœur, mais l’année de l’Arménie en France…L’Arménie, je la vis au travers de ma propre famille…Et en même temps, je trouve ça bien que l’on montre aux divers émigrés de France qu’on reconnaît leur histoire et que l’on a une pensée pour eux. Il faudrait que le métissage soit constant, que le terme d’égalité existe une fois pour toute.

M.T : Le reggae est un style musical où les voix dominantes sont majoritairement masculines. Est-il difficile pour une femme de s’affirmer et de se faire connaître dans ce registre musical ?

D.J : Je suis une femme et je pense être en même temps toutes les autres femmes qui vivent sur cette Terre. Ces femmes que l’on mutile, que l’on bat à mort, à qui l’on met un voile sur la bouche pour ne pas qu’elles parlent. Je ne suis pas torturée mais je suis consciente que notre monde doit évoluer avec la femme. Tout simplement être une femme et chanter ce style de musique se réduit à peu de choses. Je suis Arménienne mais j’aurais pu être noire…Donc un homme qui va mal me juger parce que je suis une femme, cet homme-là malheureusement je ne peux même pas le considérer car on n’évolue pas sur la même sphère.

M.T : Ton deuxième album Halleluhjah vient de sortir fin mars. Quel est le message principal qu’il transporte ?

D.J : Il ne porte pas de message précis, il est une continuité de la pensée globale lancée par le premier album. Toutes les œuvres à venir sont dans cette continuité, se nourrissent d’émotions multicolores et se nourriront en plus de mes expériences de vie à venir.

M.T : Le premier album, Feelin’ roots, n’avait pas été commercialisé. Vas-tu à présent le commercialiser ? Une date de sortie est-elle prévue ?

D.J : Le premier album sera commercialisé bientôt, tout de même en tant que premier album. Il y a une grande cohérence entre les deux albums. Tout comme dans la logique des plasticiens…pour comprendre le cheminement de ma pensée, il faut reprendre les oeuvres dès le début.

M.T : Comment vois-tu évoluer le groupe à l’avenir ? Un troisième album est-il déjà en projet ?

D.J : Un troisième album avec des rythmes Africains est prévu, Amazone, sur la condition de la femme justement. Comment je vois évoluer le groupe…J’ai confiance en moi et j’espère vraiment par amour et par amitié que les musiciens avec qui je travaille continueront à me suivre. Actuellement, j’aimerais trouver des choristes pour m’accompagner comme des touches de couleur sur certains morceaux. Peut-être que ce seront les musiciens du groupe qui participeront à ça.

M.T : Pour clore cette interview, si tu devais adresser un message à nos lecteurs. Quel serait-il ?

D.J : (réflexion) J’espère que la page qu’ils vont tourner les ramènera à moi…



Retrouvez leur album Halleluhjah (Production : Dawta Jena / Distribution : Mosaïc music) dans toutes les Fnac de France, les Planète Saturn et par commande sur le site du groupe et Virgin.

Venez les découvrir :
- le 21 avril à La machine à coudre à 21h30
- le 26 mai à la faculté Saint-Charles à partir de 22h (concert organisé pour soutenir l’association de solidarité internationale Phenix, gérée par des étudiants de l’IUP environnement, technologie et société ; qui participe à l’amélioration des conditions d’hygiène, de santé, d’éducation et de gestion de l'environnement de populations en difficulté)
- le 23 juin à la Maison pour tous - La grognarde
Retrouvez les autres dates sur
http://www.dawta-jena.com/

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