jeudi 31 janvier 2008

Exilio en images

A côté d'une activité d'écriture, je me plais depuis peu à réaliser des montages vidéos...

Voici celui réalisé pour la Compagnie Théâtre & Mémoires afin de présenter son dernier spectacle, EXILIO.

mercredi 30 janvier 2008

Des Idéaux


C’est la Compagnie Alzhar d’Aix en Provence qui occupait la scène du Théâtre Toursky dans la soirée du 29 janvier. Une troupe friande d’expérimentation théâtrale qui a construit ce spectacle à force d’ateliers et de rencontres au cours de soirées mensuelles d’échanges, d’écritures et de recherches communes. Des Idéaux propose de créer un monde où les idéaux se sont évanouis et où l’homme est laissé seul face à ses élans les plus vils. Une thématique pourtant inspirée et inspirante que la compagnie n’a pas su véritablement exploiter...

Sur cette scène occupée dans sa totalité et dénuée de véritable décor, les arts se mélangent : danse, chant, théâtre et musique. Un mélange bien souvent à la limite du tourbillon pour le spectateur qui ne sait plus vraiment où donner de la tête. Dans cette agitation, une question ressurgit constamment en écho : « Où en êtes-vous de vos idéaux ? », véritable épine dorsale de la pièce. Le public, muni d’une feuille de papier et d’un crayon peut alors tenter d’apporter sa propre réponse, pendant que sur scène les comédiens portent la leur. « Moi, mon idéal est de faire pipi sous les étoiles » dira l’une, « Moi mon idéal est d’atteindre la normalité. Celle montrée par la publicité…Mais un jour j’ai compris que ma différence était ma liberté » rétorquera l’autre. Une première réplique qui frise le ridicule et le non-sens, tandis que la seconde mériterait d’être approfondie…mais ne l’est pas ! On atteint plus tard le paroxysme de l’inintérêt lorsque l’un des personnages – nommé « O » père – dit à sa « O » fille : « Quand ton frère reviendra, vous baiserez ensemble ! ». Thématique érotique incongrue qui vient se greffer aux multiples redondances de l’idée dans le spectacle. Déposer les armes de nos idéaux, comme le revendique ici la compagnie, revient-il à être obnubilé par les questionnements d’ordre sexuel ? La question a de quoi laisser pantois…La joyeuse famille « O » offre ainsi au public ses multiples aventures : du combat de « O1 » et « O2 » (où il faut y voir un combat d’idéaux) aux déambulations frénétiques de certains acteurs aux allures de pantomimes, jusqu’aux sphères qui envahissent la scène, figurant certainement les différentes sphères et strates de la population. Entre positions grotesques et discours incohérents dans un parlé bien souvent à la limite du supportable, les noms d’Hannah Arendt et de Nietzche fusent sans trop savoir où retomber…

Tout est entrepris sans jamais aboutir à tel point que le propos de la pièce aurait été difficilement identifiable sans le document d’accompagnement distribué par la compagnie. Des Idéaux souffre d’une trop grande abstraction dans sa mise en scène qui le rend totalement hermétique à une partie du public – qui a d’ailleurs quitté la salle avant la fin de la représentation. On soulignera néanmoins un effort esthétique grâce aux costumes colorés et aux retransmissions sur rideau-écran d’instants filmés en direct qui forment des touches tels une peinture impressionniste. Un autre effort, musical lui, est à noter grâce à des improvisations inspirées aux accents expressionnistes. Malgré tout, l’ensemble manque véritablement de sens et de prise en compte du public. Grandiloquence du jeu et minimalisme scénographique y sont, eux aussi, mal conjugués. « Les i des o, les i dans les o », mais les idées…où ?

dimanche 27 janvier 2008

Tecktonik: a polemical dance

Since last July, a new dance has reached a large part of the young people… It’s the Tecktonik! Do you know about it ?


Tecktonik, often abbreviated TCK, was born in a French night club - “The Metropolis”, near Paris - in Rungis in 2000 with a new concept of party named The Tecktonik killer. However, its success is very recent and mainly due to the community websites on Internet. Its creators are Cyril Blanc and Alexandre Barouzdin, two members of the artistic staff of the "Metropolis". Now, for their biggest joy, Tecktonik goes beyond the French’s frontier… Originally, its name comes from a pun about the geological theory of the plate’s tectonic. This reference isn’t chance but it is connected to the atypical jerky and quick movement adapted to the Hardstyle music’s rhythm. Tecktonik is also a registered trademark.

In spite of this success, this dance has been in the heart of a controversy for several weeks. Indeed, a rumor has spread over the Internet…Tecktonik could be a Nazi movement! Why? It’s a poster for the new Tecktonik Killer party that initiated this controversy. It represents a man with a German officer’s cap of the Second World War and wearing a gas mask (photography 1 & 2). A poster in bad taste!






Besides, Tecktonik’s logo is an eagle (photography 3 & 4), the king of the birds and the symbol of pride, accompanied by a red star and the marketing’s line is between gothic and cold war with a provocative side. Very strange and meaningful for some people, only a coincidence for others…Be that as it may, this ending murmur adds to the other negative aspects raised by the anti-tecktoniks. Indeed, some people blame the Tecktonik for being more commercial: TF1 Company is now the international agent of the brand, there is even a fast-food that created a Tecktonik menu! This trend seems to be “the goose that lays the golden eggs” for the company. But now where is the dance behind all this profit? Moreover, contrary to the other dances, it isn’t possible to organize Tecktonik party because it’s a deposited brand. Odd behaviour by the creators, which shows the importance attached to marketing. Consequently, more and more websites and groups are created against Tecktonik: BAT for Brigade antitecktonik, demonstrations antitecktonik…

Envied success, false war or dangerous movement? The teenagers answer… So, pro or con Tecktonik?


mercredi 16 janvier 2008

Meilleurs voeux à vous....

Un petit mot pour vous souhaiter à tous et toutes une bonne et heureuse année 2008!!!


En pleine préparation de mon mémoire de fin d'étude, les articles sur mon blog se font plus rares...Vous pourrez retrouver, pour ceux qui le désire, certaines de mes critiques sur : www.ruedutheatre.info
A bientôt!

jeudi 13 décembre 2007

Marseille : Salon Métierama du 24 au 26 janvier 2008 [2]

Chimie et biochimie à la mode écolo

Les métiers de l’industrie chimique et biochimique sont des métiers en tension où les offres d’emploi sont supérieures aux demandes. Depuis presque quinze ans, les jeunes sont de plus en plus nombreux à s’en détourner principalement du fait d’une méconnaissance du secteur. Pourtant, celui-ci offre des débouchés considérables avec une durée moyenne de recherche d’emploi inférieure à un mois selon l’ANPE.
Si vous êtes curieux, persévérant ou bien encore « Géo Trouvetou » dans l’âme, les métiers de la chimie et de la biochimie sont faits pour vous ! Comment faire des compacts disques à partir du maïs ? Comment transformer le pétrole en matière plastique ? Comment neutraliser les polluants dans la mer ? Ou bien encore, comment aider une enzyme à se développer ? Autant de questions auxquelles ce secteur industriel - innovant par excellence -, tente de répondre en s’adaptant à notre univers en constante mutation. Un monde dans lequel les tendances écologiques actuelles entraînent une redynamisation.
De l’ouvrier à l’ingénieur, du créateur de cosmétiques au professeur, en passant par les techniciens et agents de maitrise, la chimie et la biochimie proposent des emplois à différents niveaux de compétences. De nombreux parcours sont envisageables : BEP, Baccalauréats professionnels, IUT mais aussi cursus LMD ou bien encore l’IUFM.
Rendez-vous donc au pôle Chimie et biochimie du Salon qui vous proposera une conférence dirigée par la Fédération des industries chimiques, ainsi que des rencontres avec les enseignants des disciplines concernées.

Marseille : Salon Métierama du 24 au 26 janvier 2008 [1]

Discrimination à l’emploi : faire valoir ses droits

Poursuivre des études pour exercer le métier de ses rêves sans y parvenir, avoir le profil adapté et n’être toutefois jamais embauché…N’être regardé que par le miroir déformant de la couleur de peau, ou bien tout simplement recalé par la consonance du nom inscrit sur un cv...Autant de cas de figure qui perdurent pour autant de discriminations à l’emploi prohibées par la loi. Aujourd’hui encore, quatre fois sur cinq un candidat dit « d’origine hexagonale ancienne » est favorisé face à un demandeur d’emploi français d’origine africaine. Le chômage touche, lui, trois fois plus les jeunes diplômés issus de l’immigration que les autres.
L’égalité, inscrite dans le triptyque français, n’est toujours pas – au XXIème siècle – respectée. La Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), représentée en région PACA par Madame Eskenazi, la promeut en combattant les discriminations. Sensibilisation et engagement des entreprises, information et accompagnement des personnes discriminées, valorisation et diffusion des bonnes pratiques ; pour que les comportements ségrégationnistes cessent et que jaillisse l’égalité des chances pour tous.
Si des entreprises œuvrent dans le sens de l’acceptation et de la valorisation de la différence, certaines réitèrent encore les comportements discriminants. Victimes de ce type de conduite ou, tout simplement, désireux de savoir s’en prémunir, rendez-vous au salon, à l’espace consacré à l’inclusion des jeunes dans le monde du travail.

vendredi 7 décembre 2007

Semaine Azerbaïdjan au Théâtre Toursky

Résolument ouvert sur le monde et le partage entre les cultures, le Théâtre Toursky a mis l’Azerbaïdjan à l’honneur durant la dernière semaine de novembre. Roustam Ibraguimbekov, célèbre scénariste, dramaturge et producteur Azerbaïdjanais était présent à Marseille pour la diffusion d’Adieu ville du sud, long métrage inspiré d’une de ses nouvelles - Bakou, fin des années 80 - et la représentation de Cherche partenaire pour rencontres épisodiques, par le Théâtre Ibrus. Voyage initiatique à la découverte d’un univers psychologique et singulier…

Ibraguimbekov : l’homme du Caucase

Roustam Ibraguimbekov - diplômé de l’Institut de Cinématographie de Moscou – est l’auteur de plus de quarante longs métrages et scénarios pour la télévision, de nombreuses pièces de théâtre et œuvres en prose. Internationalement reconnu pour ses créations, il demeure néanmoins méconnu en France, où la culture Azerbaïdjanaise n’est que peu évoquée. D’ailleurs combien savent exactement situer ce pays ou encore conter son histoire géopolitique? L’Azerbaïdjan est un territoire du Caucase, dont la capitale est Bakou. Frontalier avec la Géorgie, la Turquie, l’Arménie, l’Iran et la Russie ; il a longtemps oscillé entre indépendance et intégration forcée. Finalement devenu autonome depuis l’effondrement du bloc communiste le 30 août 1991, ses dirigeants ont choisi l’alliance politique avec les Etats-Unis. Premier pays démocratique de confession musulmane à accorder le droit de vote aux femmes, il connaît aujourd’hui une situation macro-économique satisfaisante mais doit encore relever le défi de la diversification des ressources et d’une répartition plus juste des richesses. Des conflits politiques intérieurs, religieux et territoriaux persistent actuellement dans le pays. Ce sont tous ces particularismes historiques qui ont forgé et forgent encore les œuvres d’Ibraguimbekov, comme une signature, une empreinte inaltérable. Né en 1939 à la capitale, il a connu les différents régimes de son pays et en témoigne dans de nombreux films - Soleil blanc dans le désert (1970), Interrogation (1979), Garde moi, mon talisman (1986), Urga (1991), Près de l’Eden (1991), Soleil trompeur (1994), Le barbier de Sibérie (1998) et Est/Ouest (1999) – primés pour la plupart. Chronique du Caucase, crime, drame psychologique et historique se conjuguent dans ses œuvres qui offrent une place dominante aux relations parfois difficiles entre pays, et aux liens entre les Êtres. Le psychisme des personnages, la conscience et la perception comme terrain d’exploration.

Sur les planches comme sur écran

Tel est l’épine dorsale de Cherche partenaire pour rencontres épisodiques présenté au Toursky vendredi 30 novembre. Cette pièce de théâtre jouée depuis plus de cinq ans dans les pays de l’est, dont plusieurs représentations à Moscou, dresse le portrait d’un couple ordinaire confronté à la dureté du temps qui passe et au vide du quotidien. Une création théâtrale à l’empreinte cinématographique forte où un ménage apparemment sans accrocs vit dans la rassurante mécanique du bonheur illusoire. De ceux qui vu par le miroir déformant de l’extériorité nous ferait dire : « Ah, que j’aimerais leur ressembler ». Mais la réalité est mensongère… Lui est scientifique, elle – rédactrice dans une maison d’édition. Deux postes à responsabilités pour un couple d’intellectuels modèles hors du besoin financier. Le déficit ici se compte plutôt en tendresse, partage et intercompréhension. Sous forme de huit-clos dans le salon familial, c’est un duel psychologique qui s’engage pour ces deux êtres si apparemment solides que profondément perdus, à cran. Car donner l’impression d’être en harmonie est pour eux la seule façon de vivre. « Il vaut mieux jouir de la vie que d’en parler » précise le texte. Assumer les erreurs du passé et accepter que le temps érode, parfois, les sentiments est bien plus ardu et insupportable que travestir la vie. Dans un jeu de psychés où les faux semblants dominent, tout est finement orchestré pour donner un sens à l’existence. Une orchestration basée sur la frontière invisible, terrible et insidieuse entre l’imaginaire de chacun et la réalité commune. Elle, rêve son mari en amant fougueux ; lui, songe à sa femme en plantureuse créature qu’elle n’est pas. Autant de rêveries chimériques personnifiées sur le plateau par deux autres personnages, si bien que deux couples distincts et idéals s’offrent finalement au public. Cette œuvre théâtrale aborde l’épineuse question du regard d’autrui. De la différence entre l’être, le paraître et le vouloir paraître et du difficile et rare équilibre qui permet de faire taire cette dissemblance. « Chaque couple établit ses règles », les dits, les non-dits…Ici, vivre en couple c’est lutter contre le silence des ressentiments – avec la jalousie et le mensonge comme anges gardiens – pour continuer à vivre, à feindre le bonheur pour usurper le réel. S’affronter pour mieux se réconcilier, contrefaire pour demeurer heureux avant tout ; telle est la règle pour ces êtres qui se déchirent autant qu’ils s’aiment. Une référence non fortuite donc au célèbre Cadavre vivant de Léon Tolstoï où le bonheur est au-dessus de tout, de la vie même pour le héros Fédia qui se suicide pour que son épouse Lisa soit enfin heureuse. Cherche partenaire pour rencontres épisodiques est une pièce psychologique, désarmante, lancinante même où le jeu renvoie le spectateur au réalisme angoissant de cette situation. Cette universalité humaine de condition selon laquelle l’Homme a besoin d’être apaisé jusqu’au risque de se tromper lui-même…

lundi 26 novembre 2007

« Exilio, ou garder en soi ce que l’on nous a retiré »

Le Théâtre Gyptis accueillait mercredi 21 novembre la deuxième représentation d’Exilio, écrit et mis en scène par Sara Sonthonnax de la Compagnie Théâtre et Mémoires. Exilio, c’est une création inspirée des lettres trouvées par l’historien Jean-Jacques Jordi aux Archives départementales. Des courriers adressés en 1939 par ces républicains réfugiés dans les bateaux hôpitaux marseillais après avoir fui Franco. Des écrits qui n’ont jamais trouvé voix. Sara a souhaité leur rendre…

Sur les routes de l’exil

Miguel et Pablo ne se connaissent pas mais fuient tout deux le régime dictatorial franquiste. Les routes de l’exil les feront se rencontrer et partager leurs peines, leur désarroi et leurs doutes. Comme un échange de pensées, un partage de destinées en face à face ou séparés par des destins épars, Exilio procède à un devoir de mémoire tout en soulevant de véritables questions ontologiques. « Fuir l’Espagne, n’est-ce pas la perdre ? » ; « Quelque chose vaut-il plus que la vie ? ». Mais la liberté est aussi la vie…La perdre ne revient-il pas à renoncer d’être vivant ? Autant de questions auxquelles la réalité de la guerre civile n’offre pas de réponse. Seules les déchirures sont là, omniprésentes. Déchirure d’une fuite forcée, déchirure des familles qui se scindent pour parfois ne jamais se retrouver, déchirure de ces deux êtres que la route séparera. L’un, Miguel, choisit de rejoindre le Mexique; l’autre, Pablo, s’engage dans la résistance française contre l’occupant nazi. Malgré la distance, les deux hommes s’expriment d’une seule et même voix. Celle de la souffrance, de l’abandon et de l’injustice. Dans leur périple, ils évoquent les mots et les maux d’un peuple, de tous ceux qui sont déchirés entre l’envie de vivre et la volonté de ne pas partir, de ne pas abandonner pour ne pas se laisser vaincre. Ces deux êtres en perdition témoignent de cette déchirure intérieure, la plus insupportable, certainement. Leurs sentiments et ressentiments sont rejoints par le chant d’Emilie Lesbros dont la voix et l’ombre déambulent par intermittence sur scène. Telle une apparition fantomatique, son chant improvisé est doux, profond, fragile et douloureux - à propos, quoi qu’il en soit. Comme un chant de l’exil qui vient rythmer l’échange discursif, il stigmatise les souffrances comme l’image redondante du train de la mort dans Amen, le célèbre drame historique de Costa Gavras. Pour autant, le pathos ne prend jamais le pas sur le témoignage…

Un texte sensible et pudique

La mise en scène est sobre et le plateau dénudé. Les deux acteurs évoluent de déambulations avant en mouvements arrière selon que les chemins les unissent ou les divisent. La lumière, elle, suit les codes conventionnels : rouge pour le sang, bleue pour la mer. Une mise en scène quelque peu limitée, simpliste pourrait-on dire…Mais comment faire autrement ? Sara Sonthonnax affronte ici un exercice difficile. Celui de mettre en scène un sujet ardu, douloureux, qui rouvre pour certains d’anciennes douleurs. Mais aussi, celui de porter aux vues l’adaptation théâtrale d’écrits initiaux, leur rendre voix sans dénaturer la réalité - sans l’occulter ni la farder. Une mise en espace plus construite, plus concrètement élaborée n’aurait-elle pas été risible ? Plongeon dans l’emphase et la grandiloquence, ou bien altération du message ; elle serait certainement venue gâcher le texte. Nous saluerons l’audace de la metteuse en scène et la beauté de son texte ; limpide, sensible, pudique et juste – à la lisière de la poésie parfois. Un de ces textes qui font entrevoir des images, celle des barbelés des camps d’Argelès dans les Pyrénées-Orientales ou celle de la tramontane, ce coriace vent catalan venant fouetter les visages des malheureux – « même le vent est fasciste ! » disaient ironiquement certains -. Car s’il ne se joue pas de faux-semblant, Exilio ne manque pas d’humour. « Si seulement la pluie pouvait pleurer à chaudes larmes », « Au moins le menuisier a du travail »…Autant de marques d’esprit qui brisent dans l’instant toute immersion dans le pathos. Quant au jeu, Alfonso Rodriguez Gelos et Vincent Saint-Loubert Bié, offrent une interprétation délicate, soutenue et musicale, à l’orée d’un parlé slamé pour le second. Un spectacle qui vaut amplement le fait d’être vu pour sa justesse, sa pertinence et son témoignage d’une époque trop méconnue. Une revanche judicieuse et touchante pour Sara dont la famille avait plutôt versé du côté des assaillants. « On ne choisit pas d’où l’on vient, mais on choisit où l’on veut aller… » dit-elle, et on ne saura que l’en féliciter !

dimanche 25 novembre 2007

Enchanter la danse pour qu’exulte la liberté

Dans la soirée du 23 novembre, Merlin Nyakam – créateur de la compagnie La Calebasse et célèbre danseur et chorégraphe africain - est venu présenter sa dernière création sur les planches marseillaises du Théâtre Toursky. Cette même scène où il a débuté sa carrière en France il y a maintenant plus de dix ans. Ce dernier opus, intitulé Liberté d’expression, nous ramène par les impulsions du corps et les rythmes afros au souffle de vie originel qui court en nous. Un spectacle aux antipodes des extravagances et des perditions d’une société bien trop axée sur l’image et l’apparence…

Merlin, l’enchanteur des corps

Tout commence au son des battements du cœur d’un fœtus projeté sur le blanc immaculé de la robe portée par un danseur. Le rythme du cœur pour celui de la vie…Endiablé et festif selon Merlin. Les percussions africaines s’animent, les corps des huit danseurs s’agitent dans une intrépide chorégraphie colorée ; et c’est la vie qui envahit l’espace scénique…Farandole de couleurs éclatantes, tourbillon de danseurs aux corps sculpturaux ; et la chair se mue en un contour unique pour ne former qu’un : l’humain. Accompagné de sa baguette magique, Merlin Nyakam ne pouvait rêver prénom plus justement destiné. Merlin - cet enchanteur des corps, ce chorégraphe magicien – exalte par la danse la diversité de l’être en le rassemblant autour de son unicité, de son intrinsèque similitude. Avec lui, la danse devient art total pour une pleine liberté d’expression. Elle extirpe au théâtre ses modes d’expression, au chant et à la musique leur valeur émotionnelle et aux arts plastiques leur profondeur sensorielle. Liberté d’expression joue sur tous les canaux et devient une mosaïque de sens, de couleurs, de formes mouvantes où le rideau de fond de scène se plait à décupler ces corps devenus ombres chinoises. La valeur esthétique de l’ensemble est fondamentale et vient se mêler au talent incontestable des danseurs de la troupe. Merlin Nyakam dirige ses artistes d’une main de maître, avec une poigne, un charisme qui semble joint à un gant de velours. Le sourire toujours franc et le rapport au public aisé, il charme et attendrit. Avec tout son talent, la danse donne à réfléchir sans céder du déjà pensé, en toute subtilité.

Quand la danse exalte la liberté

Avec Merlin Nyakam, elle devient aussi l’emblème de l’expression enfin libérée. Sous un trait de légèreté, les thèmes sont essentiels : la religion, l’image de soi, le rapport à cet autre – si différent mais si semblable – et l’amour. L’amour qui réunit finalement ces cinq personnages qui se déchiraient jusqu’alors – un lama tibétain, une religieuse, un homme de la rue au look de rappeur, un homme en costume et borsalino, et un autre en toge noire. Liberté d’expression est une piqure de rappel pour témoigner des barrières formées par les divergences religieuses. Le reflet de soi, le lien social, l’égocentrisme sont symbolisés, eux, par les danseurs valsant devant leur miroir, pour se rejoindre finalement. « Vous vous croyez seul ? Vous ne l’êtes pas. Vous n’êtes jamais seul » entend-t-on en voix off. La danse réunit ici les corps, les âmes pour partager et unir dans la joie. Pas de pathos, pas d’emphase, seulement un message en guise d’avertissement, un appel où l’humour n’est d’ailleurs pas de reste…Liberté d’expression offre tantôt de franches rigolades et se conjugue, parfois, à l’ironie pour décrier la distension des liens par nos modes modernes de communication – raillant d’ailleurs autour de l’objet « téléphone portable » -. Il accuse notre société d’accroître l’individualisme et de cultiver la différence sans pour autant l’accepter. Le spectacle, lui, l’exalte en l’admettant ; offrant une place primale à la liberté. Liberté d’expression fait valser les préconçus et porte un regard critique, en tendresse et en espoir, sur le monde. Les artistes s’amusent visiblement sur scène, et nous aussi ! Emportés par le flot des messages et de la danse, l’heure de spectacle s’achève bien rapidement ; et le public en redemande, encore... Que le temps se contracte lorsque les instants sont si justifiés, subtils et délicieux!

(crédit photo : Sylvie Martin)

vendredi 9 novembre 2007

Exilio au Théâtre Gyptis

Pour ceux qui ne le savent pas encore, le théâtre Gyptis fête cette année ses 20 ans d’existence aux mains de Françoise Chatôt et Andonis Vouyoucas. Vingt ans de vie dans un quartier de Marseille pourtant difficile, vingt ans durant lesquels le théâtre a su conquérir son public, toujours plus nombreux à venir plébisciter la diversité des spectacles proposés. Et cette saison 2007/2008 porte haut et fort les couleurs de la pluridisciplinarité : théâtre bien évidemment, mais aussi musique et danse viennent enrichir ce florilège artistique. Après avoir ouvert la saison avec L’école des femmes - mis en scène par Jean-Claude Nieto - et reçu une première approbation du public, cette nouvelle année théâtrale continue au Gyptis avec Exilio, écrit et mis en scène par Sara Sonthonnax.

Exilio, c’est un plongeon dans le chaos et la déchirure de la guerre d’Espagne et dans les exils forcés des républicains sous le régime de Franco au travers des lettres adressés par ces réfugiés depuis les bateaux hôpitaux Marseillais. « Ce n’est ni une fresque historique, ni un documentaire » explique Sara Sonthonnax, mais plutôt une pièce où l’évocation domine. Un spectacle à mi-chemin entre la lecture théâtrale et la pièce de théâtre où l’humour et l’émotion contenus dans les mots sont rejoint par une interprétation très musicale du texte. Une œuvre qui veut faire réagir sans donner du déjà pensé, sans tomber dans l’illustration ou le psychologique et sans emphase. Pour la metteur en scène, « le respect des écrits est essentiel et la distance et la pudeur sont indispensables ».
Mais Exilio, c’est avant tout un coup de cœur inopiné pour des lettres entendues par Sara en 2004 lors d’une lecture publique au Cercle des catalans à Marseille. Des lettres plus communes que lyriques, des écrits qui, par leur apparente banalité, témoignent plus justement de ce qu’était le quotidien. C’est un coup de foudre mais aussi une irrépressible envie de témoigner de cette guerre trop rarement évoquée dans le théâtre – une guerre dans laquelle la France n’a pas toujours joué un glorieux rôle. « Donner de la voix par l’acte théâtral » précise si justement l’auteure. Redonner vie à ces voix disparues, faire entendre ce qui est resté enterré dans les entrailles des Archives Départementales jusqu’à ce que l’historien Jean-Jacques Jordi les retrouve en 2000.
A Marseille, où la population catalane et espagnole est importante, ce spectacle sera pour les plus jeunes une découverte et pour les autres une immersion passéiste vers un pan méconnu de l’histoire espagnole et française. Quel que soit l’âge, il sera riche d’enseignement et trouve par le hasard de l’actualité une justification toute méritée - le parlement espagnol venant enfin d’accorder la réhabilitation des tombes des républicains.

Ecrit et mis en scène par Sara Sonthonnax de la Compagnie Théâtre et Mémoires, interprété par Alfonso Rodriguez Gelos et Vincent Saint-Loubert Bié, ce spectacle aura lieu du 20 au 24 novembre 2007 à 20h30 le mardi, vendredi et samedi ; et 19h15 le mercredi et jeudi. Réservation au 04 91 11 00 91. A noter : La représentation du 21 sera suivie d’un débat en compagnie de l’équipe de création et de Benito Pelegrin – Professeur émérite des Universités, écrivain, dramaturge, traducteur et chroniqueur -qui témoignera de cet exil forcé qu’il a vécu enfant.