jeudi 5 juillet 2007

Max Black : un concerto pour explorateur effréné

Hier soir encore, le festival de Marseille nous offrait un de ces joyaux du théâtre contemporain aussi saugrenu qu’ingénieux au travers du nouveau spectacle de Heiner Goebbels, Max Black. Heiner Goebbels, celui-là même qui nous exposait l’an passé Eraritjaritjaka reçu alors avec succès, en remet donc une couche aux côtés de son acteur fétiche André Wilms. Embarquement pour un peu plus d’une heure dans le cerveau black de Max…

Une machinerie de l’esprit

Max Black, scientifique Russe ayant réellement vécu, est la trame de ce système tortueux offert à nos sens. Non seulement à la vue, mais aussi à l’odorat, l’ouïe…le toucher presque. Max Black est une machinerie de l’esprit élégamment portée par les écrits de Paul Valéry, Ludwig Wittgenstein et Georg Christoph Lichtenberg. A la question : Que fais-tu tout le jour ?, Paul Valéry répondait : « Je m’invente » et Max Black, en philosophe pyromane, s’invente au fil de sa mathématique visionnaire, de ses lectures et de sa machinerie infernale, véritables stigmates de sa pensée alambiquée. Max est une sorte de génialissime professeur fou, enfermé dans son laboratoire aux allures invraisemblables d’un vivarium, de cabaret des 50’s et d’un entrepôt abandonné. Affairé à la recherche de la vérité universelle, il enchaîne ses réflexions à une rapidité démentielle, les mots fusent, filent et s’enfuient. Témoins des entrelacements de son âme et de sa pensée psychédélique. « Je fais tout vite ou je ne fais pas » nous confie t-il. Tel le feu, la pensée de Max Black est fugace, insaisissable car « La nature a horreur du vague ». Les choses n’existent que dans l’immatérialité, l’instantané…et là se trouve les secrets du monde et les mystères de l’Homme.

Un engrenage bien ficelé

« Max Black c’est assez rock’n roll » concède donc André Wilms, oui mais un rock dont les pas sont comptés. Tout dans cette machinerie déstabilisante est orchestré avec génie et dextérité. Des sons énigmatiques, aux effets de lumière en passant par les diverses animations pyrotechniques, tout est synchronisé à la seconde près. Avec Heiner Goebbels comme maître d’œuvre tout s’anime comme par enchantement, les paroles, les objets, les feux, les ombres et les sons. Ces sons, tantôt fait de bric et de broc en frottant un archer sur le bord d’un vinyle, tantôt rappelant l’atmosphère anxiogène des films de Kubrick, nous entraînent dans le bouillonnement de Max. Les carreaux lumineux s’allumant de temps à autre au sol, véritable échiquier à taille humaine, venant certainement nous rappeler que nous ne sommes que des pions et que la vérité universelle, telle le feu, est pour nous imperceptible. Sur ce plateau désordonné, qui finalement ne l’est pas tant, André Wilms a littéralement mis le feu aux planches, au sens propre et figuré. Heureux de profiter de la liberté formelle que lui offrent les œuvres de Goebbels, il met visiblement tout son cœur à l’ouvrage. Nous regretterons juste l’utilisation du micro, dont la nécessité peu avérée altère la voix du comédien et par la même le réalisme du ton. Mais dans les rouages d’un spectacle aussi bien mené, il faudrait bien plus pour mettre de l’huile sur le feu…

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