dimanche 3 juin 2007

Parfum de Cannelle à la Gare Franche

« La Gare Franche ouvre en grand » tel était le titre affublant leur affiche…et c’est bien le moins que l’on puisse dire ! Bel espace avec des volumes généreux pour une acoustique hors pair. De quoi permettre de prometteuses et audacieuses mises en scène !

Un lieu insolite et enchanteur

La Gare Franche, lieu d’expérimentation artistique niché au coeur des quartiers nord de Marseille, a enfin été inauguré. Acquise depuis 2003 au chef de gare et capitaine de la compagnie du Cosmos Kolej (comprenez chemin de fer du cosmos en Polonais) Wladyslaw Znorko, il l’a depuis réhabilité pour en faire un lieu où « pour peu que l’on sache regarder, le quotidien pourrait devenir merveilleux ». Implanté dans un no man’s land au confins du 15ème arrondissement sur une zone dite sensible, le théâtre se veut avant tout social. Dans ce théâtre, il y a de la place pour tous ! Perché entre une usine désaffectée et une ancienne maison de maître, ce lieu synonyme de rupture et de paradoxe semblait tout particulièrement destiné au personnage qu’est Znorko, à la fois fantasque, invraisemblable mais terre à terre. Un lieu qui promet de belles aventures humaines pour une approche humaniste et populaire du théâtre.

Une senteur enivrante

Ce sont Les boutiques de Cannelle qui était à l’affiche en cette fin de mois de mai. Un spectacle proposé ici par la Théâtre Massalia et celui du Merlan, mais d’ores et déjà représenté sur plus de dix scènes en France et à l’étranger. C’est Wladyslaw Znorko, chef de cette gare, qui en assurait la mise en scène d’après l’œuvre originale de Bruno Schulz et assurément il y a mis toute sa rêverie et toute sa folie ! Les boutiques de Cannelle se déroule au sein d’une ville réelle et rêvée. Un couple de commerçants se rend au théâtre un dimanche avec leur fils lorsque le père, ceci dit défunt, a oublié son portefeuille. Son fils part alors le chercher mais se voit transporté dans une drôle de dimension parallèle. La ville et ses rues ont changé, plus rien n’est à sa place. Oubliant ainsi sa mission, il redécouvre cette ville qui est en fait la sienne, la ville de ses rêves, son univers intérieur ! Le public est alors convié à l’exploration progressive de cette cité, loufoque et surréaliste, et assiste à l’émerveillement de cet être face à sa soudaine liberté.
Dans cet univers abracadabrantesque que l’on ne saurait dater, tous les repères ont été effacés. Suspendu entre Alice au pays de merveilles et La petite maison dans la prairie, à la fois contemporain et rétro, le temps a ici perdu la tête. Les évènements s’enchaînent sans logique aucune, les langues se conjuguent…Français, Italien, Allemand…pour n’en former qu’une seule ! Pour Znorko, « c’est un théâtre à ne pas prendre aux mots tant le langage est imagé ». Et la réalité est en ce lieu réinventée au gré des rêveries de chacun.
« A la Gare Franche le climat, la lumière, les sons et les odeurs ne sont pas du tout les mêmes qu’ailleurs. Même le temps s’écoule différemment » nous avertit le maître des lieux. Les nombreux effets scéniques viennent en effet servir ce monde d’illusion avec majesté et finesse. Plateau délicatement enfumé, lumières oscillant entre ambiance saloon et cabaret et bruitages plus que réalistes en font un spectacle esthétiquement magnifique ! Mais cette âme Slave qui tend à réunir mémoire et imaginaire, réel et chimère, rend la compréhension parfois difficile. Toutefois y a-t-il ici quelque chose à comprendre ou chacun peut-il au gré de son héritage y apporter sa signification ?
La Gare Franche nous propose ainsi une pièce enivrante au titre lui-même trompeur puisqu’il ne s’agit pas de l’épice Cannelle, mais de la couleur Cannelle que prennent les devantures boisées usées par le temps. Un spectacle qui saura indubitablement séduire les pensifs et multiples songeurs éveillés, mais qui prend néanmoins le risque de rebuter les adeptes d’un théâtre plus formel ! Dans cet espace de liberté, à vous de faire le choix…




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